Le marché

Avant de commencer à analyser les craintes du stockage en ligne, analysons le marché en lui-même : il est complètement blindé. Il faut savoir que le nombre d'acteurs dans le stockage en ligne est monstrueux, il ne se passe pas une journée sans qu'on entend une annonce, et à chaque fois à grand frais : tel acteur offre un espace, tel acteur lance un forfait illimité. Bref, depuis des années, le stockage en ligne n'a jamais été structuré car tous ces effets d'annonces ont été réalisés sans analyse derrière, sans recherche de rentabilité, et ont donc logiquement pousser les prix vers le bas, alors que les frais de structure montaient progressivement.

Vous allez me demander alors pourquoi eviGroup a lancé son service de stockage en ligne et vous aurez raison. Le motif est évident : structurer une véritable offre et proposer de vrais forfaits ; en regardant les concurrents (tous les concurrents) je me suis rendu compte de la pléthore d'options disponibles, de possibilité d'agencer les données, de façon de partager cela avec ses amis. C'est bien gentil, mais la base du concept, le stockage en ligne, qu'en est-il ? Il n'en ai rien justement, il a été relégué au second plan, proposer une option qui permet de faire défiler les photos du dernier de la famille avec des étoiles qui tournent tout autour est bien plus "smart" et vendeur. Des paillettes. De l'apparat. Pas du service.

Le second argument du lancement de eviGroup dans le stockage en ligne, vous le connaissez, c'est la sauvegarde. Tous nos concurrents annoncent dans les CGV et CGU ne pas être responsable du stockage des données présentes sur leurs serveurs. Autrement dit, ok, vous stockez mais si un de nos disques durs tombent en rade, bon, ben désolé. Disque-Online a donc placé son concept sur la sauvegarde en ligne (et pas le stockage) avec des multiples backups de nos comptes clients ; ca marche fort, nous n'avons jamais perdu aucune donnée sur les Tera-Octets gérés.

Enfin, les forfaits sont compréhensibles pour le commun des mortels. Il n'y en a pas cinquante, la seule différence, c'est l'espace de stockage. On ne parle pas de bande passante (la meilleure invention marketing depuis les forfaits Internet facturés au Mo) ou de limitation par fichier, on parle de quota, un moyen simple de savoir ce qu'on consomme, puisqu'on utilise la même façon de mesurer sur son disque dur classique.

L'hécatombe

Bon, ceci est le paragraphe le plus douloureux de cet article. Voici la liste des services de stockage en ligne ayant fermés les 10 derniers mois.

On ne sait pas ce qui nous fait le plus peur : l'hécatombe en elle-même ou le fait que ces services soient proposés et fermés par des gros groupes. AOL, HP, Yahoo ou Sony sont des sociétés énormes. En fait, cela va de paire : de grosses sociétés s'engouffrent dans un marché qu'elles ne connaissent pas, qu'elles croient prometteur, qu'elles ne veulent pas laisser s'échapper (et voient que les concurrents s'y mettent) et elles s'y lancent donc à l'aveugle. Vous êtes dans une course de Grand Prix : vous fixez le concurrent devant vous (et donc pas le virage), vous êtes obnubilé par son dépassement et vous partez à la faute.

Un exemple ?
'Service de stockage et partage sécurisé par Internet pour vos fichiers. Stockage illimité, conservation à vie. A partir de 0€ par mois.
Qui a dit cela ? ForeverSafe. Tentant n'est-ce pas.... Et là on se dit que les fondateurs ont oublié un principe important de l'économie : où sont les rentrées d'argent ? Où est le point de rentabilité ? Ah, pour le coup, on fera des économies dans le service Compta car les entrées seront de 0. Mais il reste quand même quelque sorties... Un slogan à garder pour des cours d'économie... au CP.

Ca viendra...

C'est typiquement ce qu'on entend dans une société de ce type. Aucun horizon, aucun moyen de voir comment faire rentrer l'argent, mais on s'en fout on monétisera plus tard. Il n'y a pas que dans le stockage en ligne que l'on voit ça, oh que non. On voit cela dans des tonnes de services Internet. Le souci du stockage en ligne, c'est que vous avez un peu plus qu'un profil facebook et trois liens qui se battent en duel : vous avez passé vos nuits à uploader vos photos notamment.

On voit donc régulièrement des gens qui pleurent sur leur blog (à raison) d'avoir perdu telle ou telle donnée car leur service de stockage en ligne a fermé. Ici, Ryan Pyle, un photographe canadien, explique avoir perdu des milliers de photos stockées sur le service Digital Railroad... Oh, mais ils ont été cool : ils ont envoyé un bel email explquant que Ryan avait 24h pour récupérer l'ensemble de son disque... Sympa, j'espère que Ryan avait une connexion tri-gigabit à impulsion phasée. Notre ami a donc fait tout ce qu'il pouvait pour en sauvegarder quelques dizaines. En fait, Pyle avait les photos qui étaient correctement stockées ailleurs mais l'intérêt du online, c'est aussi de pouvoir les tagguer... Et c'est ça qu'il a perdu, finalement.

Le cas AOL

Les dirigeants d'AOL ont expliqué les raisons de la fermeture et on voit bien que l'explication la plus simple (on lance comme des bourrins un service, rentable ca veut dire quoi ? Arrête John, tu nous sapes le moral) est la meilleure : ces messieurs ont tranquillement expliqués que "nous avons lancé des dizaines de services sans trop nous attendre à ce qu'ils soient tous rentables. On n'avait pas de business model. Au bout d'un moment, on s'est dit qu'il fallait réduire les coûts alors on a tout fermé".

Texte original : AOL spokesperson Allie Burns says that the AOL Pictures service couldn't financially justify its own existence. Over the past year, AOL as a company has undergone some painful cost-saving cuts. "We took a look at what products didn't make sense to maintain. And ultimately we needed to reduce cost," she says.

Les clients apprécient.

Pourquoi ça ferme ?

Si vous avez eu le courage de lire le pâté ci-dessus, vous avez donc compris que les services qui ferment ne ferment en rien pour des motifs techniques : ils ferment "simplement" parce qu'ils n'ont pas de modèle économique, ils ne sont pas rentables. En soi, on voit également des sociétés fermées dans d'autres domaines pour ce même motif mais le stockage en ligne repose en grande majorité sur un système de confiance. Pourquoi une banque qui ferme fait plus de bruit qu'une boulangerie ? Car vous y stockez de la valeur, et la fermeture de cette banque entraine la perte d'une partie ou de la totalité de cette valeur. Pour le stockage en ligne, c'est la même chose. Vous l'avez sur vos disques durs externes, oui, c'est sûr. Mais à quoi bon stocker en ligne alors ? Pour la même raison que le fait de mettre son argent à la banque et pas sous son lit : une certaine sécurité. Mutualiser de la valeur dans un lieu donné, qu'il soit numérique ou numéraire, permet de mutualiser les systèmes de sécurité qui couteront alors beaucoup moins cher pour chaque individu. Un service comme Disque-Online dispose d'une infrastructure que vous paierez environ 50 fois plus cher si vous décidez de vous débrouillez seul.

Il est donc nécessaire pour qu'un système soit pérenne qu'il inspire confiance, et pour inspirer confiance, il suffit simplement qu'il soit rentable et donc une raison d'exister. CQFD. Et vous savez quoi ? Disque-Online l'est :)