Il faut en effet reconnaître que notre réseau des réseaux a bien mûri. Désormais, il est clairement dans notre quotidien, il est véritablement dans nos vies, il permet carrément de gérer nos loisirs, notre shopping, notre information. Internet a réussi en une quinzaine d'années à s'immiscer complètement dans notre vie de tous les jours, changeant notre perception de l'accès à l'information et à la consommation.

Et c'est ça qui fait peur : les grosses sociétés - leaders dans l'ancienne économie - deviennent des mastodontes dépassés dans la nouvelle. Au lieu de changer de modèle et de tenter d'évoluer, elles mettent tous les moyens dont elles disposent pour garantir le système existant - leur écosystème - et donc brider le nouveau, utilisant jusqu'à leurs lobbies pour faire voter des lois auprès du gouvernement. La loi HADOPI en est un bon exemple.

Il faut savoir que ce genre de situation est très courante dès qu'une révolution dans un domaine se réalise. Nous parlons aujourd'hui d'Internet mais nous pourrions aisément faire le parallèle avec une révolution sociale à savoir la sidérurgie en France à la fin des années 1970. Les usines commençaient à être délocalisées, grande première et symbole de la fin des 30 glorieuses, les ouvriers ont manifesté et fait grève durement pour préserver leurs acquis, le gouvernement a réagi comme toujours en octroyant des fonds pour soutenir le secteur mais finalement, les pays à main d'œuvre moins élevée ont gagné en fin de compte : c'était inéluctable, et tout le monde le savait. Petite note en passant, il se passe la même chose dans le milieu automobile aujourd'hui mais cela n'est pas le sujet.

Ce qu'il faut savoir, c'est que le réseau Internet traverse son adolescence législative. Rappelez-vous il n'y a pas si longtemps, les sites pirates pullulaient, on a clairement été habitué au tout-gratuit pendant des années (modèle que nombre de journaux notamment regrettent aujourd'hui) et on pouvait faire à peu près tout et n'importe quoi sur le web.
Cette époque semble révolue, certes, mais nous ne sommes pas encore en Chine. Une période de rodage est nécessaire. Pour cela, le gouvernement assez novice en la matière essaie de faire plaisir à ces lobbies en avançant des lois de toute façon inapplicables en l'état. D'autres pays s'y sont essayés, démocratiques et européens pour la plupart, et s'y sont cassés les dents. Et tout bon technicien en informatique sait que si une solution fiable est trouvée pour nous pister, un simple VPN (l'équivalent d'un avion furtif pour les néophytes, mais dans les tuyaux du web) nous rendra totalement invisible à ces yeux.

En bref, le gouvernement ne semble pas chercher à nous priver de liberté, il cherche à protéger des ayants-droits mais s'y prend très maladroitement. Attention, ce billet ne soutient pas la loi HADOPI, bien au contraire, il cherche à analyser comment d'aussi mauvaises lois peuvent être écrites. Il aurait d'abord fallu proposer une vraie alternative économique à ceux qui ne veulent pas pirater et à un prix décent plutôt que de créer cette loi. C'est en fin de compte tout le contraire qui a été fait : la semaine de première lecture de cette loi, les majors ont obtenu du leader de la musique dématérialisée, iTunes, une augmentation des tarifs de 30%. Dans un contexte de crise économique, cela est globalement malvenu. Nul doute que la même loi proposée 10 ans plus tard avec une vraie concurrence et des tarifs abordables sur le marché aurait suscité des réactions toute autre.

En clair, notre réseau des réseaux n'a pas encore l'âge de la maturité, il est encore dans sa toute jeune adolescence mais à la vitesse où vont les choses, ce problème sera réglé dans 7 ou 8 ans...