Ceux qui me suivent sur certains forums, sur mon Facebook ou mon Twitter, savent que parfois je distille des conseils concernant le marché boursier. J'ai conseillé par exemple fin avril de revenir sur le CAC avant de vous inviter à vous retirer début juin. Il s'agissait d'un premier rebond. De même, j'y suis de nouveau entré il y a une quinzaine de jours et profité donc de la hausse de 10% du marché dans la période. Nous sommes clairement dans un "range" (une fourchette) un peu incertain 2900-3400 et on tape aujourd'hui même sur la résistance. Concrètement et simplement, cela peut signifier soit la fin du second rallye boursier (et une tendance baissière imminente) soit une cassure et une remontée.
Le problème, c'est qu'on ne voit pas ce sur quoi pourrait se baser une remontée durable. Le problème des subprimes est toujours présent et le marché US immobilier est carrément décapité. Certains clament depuis des semaines qu'il y a beaucoup moins d'expulsions après saisies bancaires aux USA. C'est vrai : les banques qui ont des créances chez les particuliers font un calcul simple : si elles expulsent ces personnes, elles devront refaire des travaux avant la remise en vente (vous vous doutez bien que les gens expulsés ne font pas vraiment le ménage avant de plier bagage) et le coût de ces travaux sera supérieur au prix qu'elles pourront tirer de la maison à l'heure actuelle. Elles laissent donc les débiteurs en paix pour le moment... Mais cela n'est qu'une question de temps avant qu'ils soient virés et donc, que le marché se retrouve inondé de biens aux prix cassés. On a donc, au mieux, un répit des expulsions.

Bien sûr, vous allez me dire que tout ce qui se passe actuellement ne peut pas être résumé au seul graphique ci-dessus... En fait, bien qu'il y ai des nuances, j'aurais tendance à dire que ce graphique résume assez bien la situation.
Analysons-le : depuis les années 1960, les achats immobiliers traversent des cycles haussiers et baissiers d'un facteur de plus ou moins 50%. Dans les années 1990, l'informatique aidant, on commence à véritablement automatiser l'accès à la propriété avec une hausse continue des achats immobiliers, hausse qui sera ralentie par la crise des années 2000... et c'est là que ça dérape.

Vous pouvez en effet constater que la hausse repart de plus belle et à un point historiquement jamais vu. Pourquoi ? Car la réserve fédérale américaine (la FED, l'équivalent de notre banque centrale) a décidé de relancer la croissance. Comment ? Pour faire simple, la FED peut faire marcher la planche à billets. Pour cela, il suffit de baisser le coût d'acquisition de l'argent, nos fameux taux directeurs : pour la première fois de son histoire, la FED place un taux à 0%, les banques peuvent donc emprunter de l'argent à ce taux ! Techniquement, avec l'inflation, elles remboursent donc moins qu'elles n'empruntent. Des dizaines d'établissements de crédit se créent donc et prêtent de l'argent sans compter à des ménages qui n'ont pas les moyens de rembourser. Sauf que cela, personne ne le sait puisque l'argent est prêté sans contrôle.

Lesdits établissements se pensent couverts : les débiteurs vont en effet acheter des logements en perpétuelle hausse tarifaire, au pire, s'ils ne peuvent pas rembourser, on les saisira et on fera une jolie plus-value. De plus, on leur prête déjà de l'argent qui, à nous, ne nous coûte rien, on se rattrapera donc sur le nombre de débiteurs valides.

Ces établissements comptaient en fait sur deux facteurs : que les prix de l'immobilier montent indéfiniment (n'importe quoi) et que le nombre de débiteurs défaillants restent faibles (n'importe quoi - bis - puisqu'il n'y a aucun contrôle) . Ces établissements ont donc mis en place une sécurité : et si on partageait le risque avec d'autres ? Vous connaissez tous sur le marché boursier les petits "paniers" d'actions que l'on peut acquérir : pour limiter le risque en effet quand vous placez votre argent, vous prenez un peu de France Télécom, un peu d'EDF, un peu de Bouygues, etc... Ainsi, si Bouygues baisse, la baisse sera limité par la hausse ou la constance des deux autres actions. On a fait pareil avec les emprunts immobiliers américains : Madame Michu, au lieu d'emprunter 100 000$ à une entité, l'emprunte au marché. Chaque entité de ce marché achète par exemple 50$ de la dette de Mme Michu. Si Madame Michu rembourse, chacun retrouve ses intérêts au prorata. Par contre, si Mme Michu est défaillante, bon, ce n'est pas grave, chacun perd seulement 50$.

Multipliez cela par le nombre de personnes ayant emprunté et le nombre de banques et d'organismes qui ont acheté ceci - les fameuses subprimes - et qui - pire que tout - se les sont revendues entre elles et vous comprendrez le problème : tel un virus, ces obligations très risquées se sont répandues dans tout le système financier mondial et le nombre de débiteurs défaillants a commencé à augmenter de façon impressionnante et non calculé

Le problème est que, aujourd'hui, on ne sait pas où sont ces fameuses subprimes : nos "paniers" sont tellement complexes qu'on ne sait même pas si on en a. Imaginez qu'une personne vous demande à emprunter de l'argent : si vous ne savez pas si elle est endettée, vous ne prêterez rien (je parle de capitalisme là, pas de social pour aider un copain dans le besoin). C'est pareil entre toutes les banques : elles se prêtent plus (ou moins) entre elles car elles ne sont pas sûres d'être remboursées et - pire - elles ne savent pas à quel point elles sont impliquées et combien elles ont perdues : elles préfèrent donc en garder sous le coude pour se sauver elles-même.

En clair, et parce qu'il y a tant à dire et qu'un seul billet n'y suffira pas, la situation actuelle est due à l'abondance de liquidités présente sur le marché. La planche à billets a fait fonctionner artificiellement la spéculation qui reposait donc sur des billets n'ayant aucune valeur puisque détenus par des personnes qui n'avaient pas les moyens de rembourser. On s'en rend compte, et comme à chaque fois dans les bulles, le marché réagit violemment par une baisse fantastique des cours (comme toujours, le marché ne sait pas se réguler de manière constante, il est par nature irrationnel car basé sur des craintes et non des faits). Le marché n'est pas purifié, il reste des montages de débiteurs non valides. Il est juste en pause. Je pense qu'on va encore avoir affaire à des résultats négatifs les prochains mois mais que des embellies (comme ces derniers jours) sont à prévoir. En clair, on est encore dans un gros orage, l'œil du cyclone est tout prêt, reste à savoir si on est déjà passé dedans... ou non.