Commençons par la parenthèse historique. EVI a commencé à travailler sur une smartwatch à peu près en même temps que le MID Wallet, en 2009. A l'époque, les prototypes étaient assez lourds, sous Android 1.5 mais avaient la particularité d'être totalement autonomes. Ils disposaient de leur propre port SIM et pouvaient donc réaliser des actions de manière autonome : passer des coups de fils, surfer sur Internet, écouter de la musique ou encore prendre des photos. Ils n'avaient pas besoin d'un téléphone relié en Bluetooth. Au contraire même, nos prototypes distribuaient le WiFi autour d'eux et permettaient alors aux appareils alentours (notre Wallet 2009 donc, ou notre premier Pad), de surfer sur Internet alors que les smartphones n'avaient pas encore envahi le monde. C'était une vision où la montre connectée était au centre de l'ensemble des appareils et contrôlait ceux-ci.

Aujourd'hui, les professionnels parlent de "smartwatch", mais elles n'ont rien de smart. Les français parlent de "montres connectées", mais elles ne sont connectées à rien, si ce n'est un smartphone. C'est lui qui intègre véritablement le cerveau et mérite son nom. Les montres de Sony sont même incapables de donner l'heure si elles ne sont pas reliées en Bluetooth. De son côté, Apple précise que sa montre doit recevoir les informations les plus légères possibles, et son kit de développement fait en sorte que c'est au smartphone de calculer ce qui doit être calculé, avant d'envoyer finalement une sortie de "capture d'écran" à la montre. Les smartwatch actuelles ne sont donc que des miroirs de nos smartphones.


L'iPod Nano (Gen6) d'Apple est plus autonome que l'Apple Watch.

Pourtant, l'intention semble louable et logique. Prenons le temps d'étudier un peu l'histoire : jusqu'au début du 20ème siècle, les montres de poche (ou montre gousset) étaient le modèle de montre le plus répandu. On en sortait une de sa poche pour la consulter. Puis la montre bracelet s'est imposée, plus pratique, et toujours disponible.

Il est donc tentant de faire un parallèle avec l'histoire de la téléphonie, où l'on sort notre téléphone de notre poche pour le consulter (y compris l'heure ! Remplaçant un temps la montre bracelet, tombée en disgrâce auprès des jeunes).
Pourquoi l'histoire ne suivrait-elle pas le même chemin ? Pourquoi le téléphone n'arriverait-il pas à nos poignets ? Tentons d'imaginer les points forts et les points faibles à travers deux paragraphes.

La smartwatch n'est pas l'avenir :

Sous sa forme actuelle, je doute que la smartwatch soit l'avenir. Le produit est trop limité, trop peu autonome (aussi bien en terme de batterie que d'utilisation) et de fait, il duplique les fonctions d'un appareil qui se trouve à quelques centimètres de lui.

Sous sa forme actuelle, le produit ne peut attirer que les niches : fans d'une marque, early adopters, mais également des populations hétéroclites. On peut imaginer un bracelet de secours pour les seniors, un bracelet de soutien aux personnes ayant un handicap particulier ou des bracelets pour différents sportifs : cette dernière niche existe déjà, et les contraintes de duplication avec le smartphone étant moindres (les capteurs, par exemple, peuvent être différents du smartphone car reliés à la peau), le bracelet trouve une utilité certaine. La différenciation est actée et non réalisable autrement.

Pour le "mass market" (le grand public), la smartwatch s'est fait voler sa révolution par le smartphone. La smartwatch existe déjà, et vous la tenez en mains.

En effet, en 2009, quand nous avons conçu nos prototypes, le smartphone n'avait pas cette puissance, ce nombre d'apps et surtout cette taille d'écran. Les écrans étaient encore assez petits (3.5 pouces maximum) et une SmartWatch aurait pu arriver à ce moment-là, remplacer tout ce beau monde, et devenir l'objet qu'on a tous les jours sur notre poignée.

Nous aurions alors utilisé des tablettes (pourquoi pas des 7 pouces) pour les occasions où nous aurions eu besoin d'un écran plus grand, connectée à notre montre intelligente qui lui aurait distribué Internet. Cela n'a pas eu lieu : les gens ont choisi d'avoir des smartphones de plus en plus grand, et d'en faire le centre de toutes leurs occupations. A partir de là, vouloir faire rentrer un smartphone de 5 ou 6 pouces sur un poignée me semble une gageure. Vouloir remettre au goût du jour des écrans de 1.5 ou 2 pouces alors que le grand public a clairement indiqué sa préférence pour des écrans de plus en plus grand (même Apple a du s'y plier !) me semble utopique.



A moins que...

La smartwatch est l'avenir (mais pas celle que vous pensez) :

Il existe désormais des technologies d'écrans LCD flexibles : des écrans qui peuvent donc s'enrouler : pourquoi pas autour du bras ?
Voici l'avenir de la smartwatch : un écran "géant", sur l'avant-bras, capable de remplacer totalement votre smartphone puisque cela devient votre smartphone. Un écran capable d'afficher GPS, vidéos, réseau sociaux, et qui pourrait profiter d'être constamment sur votre bras pour vous assister (comme aurait pu le faire les Google Glass).

Les points forts de la montre à bracelet seraient liés aux points forts du smartphone, et vous n'auriez plus à le sortir de votre poche. Il sera votre copilote en voiture ou en moto, votre appareil photo en vadrouille ou votre tablette dans votre canapé. La domotique pourrait également y trouver une porte d'entrée. Les apps actuelles n'auraient pas besoin d'être redéveloppées, un Android "classique" ou un iOS "classique" s'en sortiront très bien. L'appareil étant plus imposant, la batterie le sera tout autant, et l'autonomie sera alors la même qu'un smartphone actuel.
Handicapant pour une smartwatch telle qu'on nous la présente aujourd'hui, ce le sera moins pour cette SmartWatch du Futur, puisqu'il sera le seul périphérique à porter et donc à recharger. Un traitement étanche et un système de mise en place type scratch finiront de compléter le tableau. Bardé de capteurs et entrant dans l'ère du "quantified-self" ("je mesure tout sur moi"), elle remplacera tous les appareils qu'on tente de vous vendre sans modifier vos habitudes classiques... mais créera de nouveaux usages adaptés à tous.

"L'assistant personnel" qui est apparu en même temps que les PDA et qui est devenu communiquant avec les smartphones deviendra, en plus, un coach sportif. C'est la voie que suivra EVI, quand certains obstacles technologiques seront levés.



Alors, la smartwatch, est-ce l'avenir ?

Vous l'avez compris : la smartwatch n'aura un avenir que si elle remplace totalement le smartphone. L'iPhone 12 ou le Galaxy S10 seront des montres connectées.
A défaut, si l'on reste dans le schéma actuel, elles se retrouveront dans des utilisations de niche : elle auront dans ces cas-là une application indispensable à ces utilisations (qui reste à découvrir) : sans celle-ci, les montres connectées ne seront qu'une duplication d'un smartphone. Et c'est cela le problème : les Apple Watch peuvent se vendre, mais elles se retrouveront vite dans les tiroirs si cette "killer app" n'arrive pas rapidement.

Pour le moment, il s'agit des applications sportives, avec des capteurs inadaptables aux smartphones. C'est un bon début, mais un bracelet connecté, bien plus autonome, en fait tout autant.

Il reste donc à trouver l'utilité d'une smartwatch, ou à la réinventer pour qu'elle remplace totalement son pire ennemi : le smartphone... La rendre autonome - en utilisation - semble donc indispensable. La fusion des deux appareils semble inéluctable.